


je lui ai trouvé une place dans une tranchée

(Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes Aristide Quillet, 1922) :
<<Quand à l'arrêt des Allemands, on en fait honneur au 2e Corps d'Armée, et cela est exact. Mais il faudrait ajouter : au 2e Corps auquel avait été détachée la 31e brigade (95e et 85e régiments d'infanterie)
C'est, en effet, à ces deux régiments du 8e Corps, et spécialement au 95e, que revient l'honneur de la victoire.
Le soir du 24 février, le 95e régiment d'infanterie arrive à la cote 347. Il vient de faire 56 kilomètres en trente-six heures.
Les Allemands ont pénétré dans le bois des Fosses.
La 72e et la 51e divisions d'infanterie ont été écrasées. Les reconnaissances envoyées en avant de Douaumont par le 95e régiment d'infanterie ne rencontrent ni les ouvrages qui avaient été signalés par l'état-major, ni les troupes que le régiment devait relever. Il n'y a plus de troupes entre le 95e et l'ennemi : elles sont toutes en fuite ou prisonnières.
Le colonel de Bélenet, qui commande le 95e régiment d'infanterie, signale à la brigade, établie à Fleury, la situation dangereuse du régiment, planté en rase campagne, sans ouvrages protecteurs, à la merci des attaques que ne manquera pas de déclencher l'aurore.
Il reçoit du général Balfourier, qui commande le 20e Corps, l'ordre de se porter au village de Douaumont.
Il établit son 3e bataillon dans les éléments de tranchée qui existent en avant du village, son 1e bataillon au nord du village, aux cotes 378 et 347, son 2e bataillon en réserve entre Fleury et Thiaumont.
L'autre régiment de la brigade, le 85e, occupe à gauche le secteur qui va de l'est de Louvemont à la cote 378. Il a lui-même la 51e division à sa gauche.
A droite du 95e se trouve la brigade Chéré (2e et 4e bataillons de chasseurs, et le 418e régiment d'infanterie)
L'attaque ...
raconté par Henri CARRE (lieutenant 4e section,12e compagnie,95e régiment d'infanterie)
Le 25 février, dès le petit jour, le bombardement commence.
Bombardement furieux, bombardement exaspéré.
Tous les canons boches de tous les secteurs environnants concentrent leur tir sur le malheureux village et sur ses alentours. C'est l'averse, sans nulle métaphore, la monstrueuse averse aux gouttes d'obus.
Les tranchées s'effondrent, les maisons s'abattent comme des châteaux de cartes, les cadavres s'entassent. Le sol bout aux éclatements comme l'eau d'une chaudière. Le ciel lui-même semble se disloquer.
De notre côté, nos canons se taisent. Nous n'avons pas de canons. Contre la formidable artillerie boche, nos poitrines nues.
Un obus a démoli la fontaine du village. La soif racle les gorges et tanne les langues. Pour toute nourriture, les biscuits des sacs. Aucune communication avec l'arrière, car tous les fils téléphoniques sont coupés, car tous les agents de liaison sont tués après quelques pas.
Les soldats du 95e régiment d'infanterie ont l'impression d'être seuls, abandonnés du reste de l'Armée, holocaustes choisis pour le salut de Verdun.
Telle est leur colère contre ce bombardement qui s'entête qu'ils forment des vaux pour que les Boches se décident à les attaquer.
Et quand des avions ennemis survolent leurs lignes, ils « font les morts », ils s'étendent de ci, de là, sur les morts véritables, et ils demeurent immobiles, les bras étendus, la bouche ouverte, afin de convaincre les aviateurs que tous les défenseurs du village sont tués et qu'on peut venir sans crainte...
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